Suite à mon court passage sur FR3, j’ai eu des messages de félicitations et la remarque suivante : « Sensei, pourquoi ne faites vous pas comme Maître …. et ne mettez vous pas votre portrait au kamisa ? La même chose lors de vos stages ? Tous les dojos de la SHINGITAI devraient faire pareil ! Vous avez bien votre propre style maintenant ? »
Je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire ! J’ai répondu que cela n’était pas du tout dans mon intention ! Ni maintenant ni jamais. Il ne manquerait plus que je me donne en spectacle en tenue de samurai, dans un « yoroi » qui ne serait qu’une enveloppe de ma prétention. Ou alors de ressembler à nos candidats présidentiables ? Vous me voyez avec des lunettes vert fluo et un accent vietnamien ? J’ai remercié mon interlocuteur pour le sujet que je développe ici grâce à lui !
Je présente certes une approche différente de l’Aïkido mais cela reste de l’Aïkido. Je pratique différemment le Iaido, mais cela reste du Iaido. Je me refuse à passer pour un gourou, un apôtre des tatamis (pour ne pire un dieu) ou tout simplement un égocentrique forcené. Il y en a suffisamment comme cela. Où se trouve donc l’humilité du samurai ? Du Maître ?
Dans ma carrière Budo, j’en ai croisé des personnes de ce genre. Il y a des instructeurs occidentaux qui sont 9ème ou 10ème Dan, parfois plus, qui profitent de la bêtise humaine pour vendre leur style « new age megastore » ou encore prônent la qualité de leur descendance directe avec les plus grands Maîtres dans leur discipline. Chacun croit ce qu’il veut, comme il peut, mais il faut surtout les vénérer. Et ne jamais oublier les courbettes et les platitudes obligatoires à leur prodiguer pour paraître auprès d’eux.
Je ne suis pas de ce genre. Ce n’est plus du charisme mais du commerce. Non merci, je préfère vivre ma vie de budoka dans le respect des valeurs que m’ont donné mes anciens et mon Maître. Et puis, franchement, je ne peux m’imaginer détruire l’ambiance d’un stage en mettant ma photo sous cadre ou sur un poster, bien en place sur un kamisa. Si d’aventure, un de mes élèves veut mettre ma photo sur son kamisa à mon décès parce qu’il estime qu’il me doit quelque chose, cela reste son choix. Comme je ne serai plus de ce monde, il pourra bien faire ce qu’il veut. Pour l’heure, je pense en embêter plus d’un et je ne suis pas encore proche de l’incinération ! Heureusement.
Une seule façon pour moi de symboliser mon enseignement : ne pas me prendre au sérieux, de faire fi de ces lamentables situations et de me faire plaisir en partageant avec mes élèves, mes amis, les stagiaires que je côtoie, mes très modestes connaissances. Je ne sais ni écrire des bouquins, ni faire des vidéos. Je ne suis ni un chantre des fédérations françaises, ni une icône que l’on s’arrache pour des milliers d’euros afin de bénéficier de ses largesses en diplômes ou en photos souvenirs.
Permettez-moi de dire que je me sens bien dans ma tête, dans mon keikogi. J’aime diriger des stages auprès de mes amis étrangers, y participer, échanger et rire de nos bêtises parfois. Pourquoi passer pour une star ? J’aime mieux savoir que l’on m’apprécie pour ma façon d’enseigner, pour ma joie de vivre sur un tatami, pour ce que je suis tout simplement.
Ce n’est pas demain que je mettrais ma tête sur un poster entre un bonzai et un brûle parfums. Il n’y aurait aucun esprit de respect mais tout bonnement un souhait de « fayotage ». Cette place est réservée pour les fondateurs de nos disciplines, pour ceux ou celles qui nous permettent d’être là. Pas pour le plaisir de parader ! Eventuellement pour nos chers disparus avec qui nous souhaitons partager ces quelques instants de travail commun.
Encore une fois, non merci. J’ai la tête sur mes épaules, les yeux en face des trous et le cerveau encore en bon état. Les autres ? Ils font comme bon leur semble. J’affirme ma différence et cela me suffit. Chacun voit son parcours, et moi, je le vis simplement.